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Chronique : L'expérience Delage

Chronique : L'expérience Delage

Eva fleure bon les VHS et les petits magasins de location de quartier. C’est qu’elle en aura fait s’astiquer des manches tout au long des vingt ans qu’aura duré sa carrière. Mais tout a une fin et, depuis deux ans, elle a disparu des plateaux du X, laissant derrière elle un impressionnant kilométrage de câble qu’elle aura déroulée…

Ah Eva ! Il me souvient de tant de voyages en solitaire que je me suis accordés dans ma jeunesse. Comme tant d’autres vers la fin des années 90, je me rendais au Vidéo Futur le plus proche, dans le but d’emprunter quelque VHS pour divertir mes mornes soirées. Une fois dans la boutique, je déambulais dans les rayons, examinant les bacs débordant de boîtiers ornés de jaquettes chamarrées, tout en me rapprochant du rideau qui recelait ô combien de trésors, germaniques, en particulier. Et là, Titanic à la main, en guise de camouflage, une tension artérielle alors à 32/26 et un léger filet de sueur perlant à mon front, j’écartais le voile qui me séparait de la diffusion de la plupart de mes perversions. Combien d’actrices s’offraient impudiquement à mon regard. Tel un aventurier, je partais à la recherche de la garce éperdue. Les yeux exorbités par tant de découvertes, je saisissais au vol l’une de ces cassettes que j’espérais encore pure, à savoir, que le précédent emprunteur n’avait pas « baisé » la bande, à force de trop d’avances rapides, de pauses et de rembobinages. Et là, caché entre L’école de Laëtitia et Exhib’ à Paris, Dieu me turlutte, vous m’apparûtes ! Pour la première fois, nos regards se croisèrent sur la jaquette d’un film de la série Anita F. [Anita Feller pour les incultes], intitulé Voll im Arsch [Plein le cul !]. Un titre bien choisi, vous étiez en levrette, une main enfoncée, jusqu’au poignet, dans le fondement.

UN FERVENT DU JEU D’PAUMES

Après avoir réglé au préalable le montant de ma cotisation, je filais à travers les rues pour rejoindre ma modeste chambrette d’étudiant propret. Les doigts tremblants, je glissais délicatement l’objet dans l’ouverture de mon magnétoscope. Dès la première scène, et malgré un début de carrière tardive à 44 ans, vous démontriez une élasticité anale hors du commun. Car ce ne sont pas que des chibres, tout au long de votre cinquantaine de films, que vos orifices ont croisés, car il n’était pas rare que légumes, mains et autres avant-bras s’y égarent. Et qu’ils sont poétiques leurs titres, tous dignes d’un best-of qu’il faudrait leur consacrer : Bites dures pour femmes mûres, Vieilles pour jeunes baiseurs, Pipis volés, Fist uro, Vieilles chiennes entre elles, Couturières et gaines-culottes… J’en passe et des meilleurs.

Avec un appétit sexuel plus débridé qu’une Z1000 en version full, vous vous illustrez très rapidement, grâce à vos pratiques extrêmes, dans les niches Milf et Gmilf dans lesquelles vous rayonnez. Chez nos cousins germains, ce sont sans doute fist, uro et oma [vieille], qui vont asseoir votre notoriété. Vous apparaîtrez ainsi dans plusieurs opus de la série Old Ladies Extreme [Videorama], tous titrés Oma Schlampen [vieille salope] ou Arsch Grotten [Cavernes anales]. Des films bien évidemment réalisés par Harry S. Morgan et dans lesquels se distingueront également d’autres grannies, toutes aussi vicelardes et perverses, telle Olga. Chez un autre label, on vous voit également, en nonne et vous prenant un fist d’anthologie dans un épisode de la série Maximum Perversum, qui retrace les péripéties de poilus au sein d’un couvent en pleine guerre des tranchées.

À SES JOYAUX… TOX !

Ô combien de vagins, combien de couilles pleines, au cours de tête-à-queue, ou d’une Amazonienne, dans des lits polissons se sont épanouies ! Combien à votre vue, l’ont eu dure, sans lacune ! Redresseuse de caleçons, vous donniez du volume, par l’amène séant, dont vous êtes munie ! Où sont-elles, ces nuits de rêves illusoires ? À s’astiquer, solo, le raide promontoire ! À la vue d’une anale ou d’une pipe à genoux ! Vous nous dévergondiez en images chamarrées et c’est ce qui nous donne, grivois invétérés, l’espoir d’un jour pouvoir revoir votre minou !

Car oui, combien de studios, de réalisateurs se sont arrachés les couilles pour vous avoir devant leurs caméras… En Allemagne comme chez Dbm ou Magma où vous ferez montre de prouesses, mais également en France avec des labels tels qu’Imamedia ou L’OEil du cochon, pour lequel vous campez une gentille mère de famille, un tantinet délurée et aux limites de l’impudeur, dans Maniado, la famille incestueuse de Fred Coppula, mais aussi dans La fille du batelier, aux côtés d’Estelle Desanges, produit par Hot Vidéo ! Vous étiez, à l’époque, coachée par des réalisateurs comme John Love, Papy Salaud ou Pierre Moro.

L’ADIEU AUX CHARMES…

Et depuis deux ans, vous avez jeté le voile, comme si la ligne de démarcation séparant le porno du cinéma traditionnel [sorte de zone libre en territoire occupé] dans les magasins disparus de location de vidéos, avait également recouvert votre carrière. Vous avez laissé la place à de certes plus jeunes mais, nonobstant, moins emblématiques actrices.

Aujourd’hui, vous êtes rangée des voitures et tenez boutique dans un sex-shop à votre nom [6, quai Messire Jacques à Bourges]. Loin de moi l’idée de passer pour nostalgique, prisonnier des souvenirs d’une époque révolue, mais je ne peux oublier que vous avez hanté, de nombreuses et longues nuits, cet écran noir et ces nuits blanches où je me fis du cinéma. Aussi, vous resterez gravée dans les « anales » de ma mémoire. Un succès mérité, dû sans doute, Eva, à l’expérience de l’âge…

Retrouvez la suite de cet article dans le magazine Bree Olson, l'ex engagée

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